Parfois, glissé dans une conversation, j’entends la phrase « mais toi qui es habituée aux morts, à côtoyer des gens dans le deuil, ça ne te fait plus rien, non ? »
Et bien justement non, je refuse de m’y habituer. Car chaque personne défunte a sa propre histoire, sa famille, son cercle d’amis. A chaque décès, c’est une première fois, il faut y mettre toute son attention, être à l’écoute et se concentrer sur cette situation unique et délicate.
Evidemment, le chagrin des personnes endeuillées me bouleverse, et vient remuer toutes sortes d’émotions.
Mais je refuse de me « blinder », de me « protéger », car j’ai l’intime conviction que c’est avec le cœur grand ouvert qu’on parvient le mieux à accueillir ces moments difficiles.
En tant que doula de fin de vie et d’assistante funéraire, je considère que ma tâche est de rester bien ancrée, authentique, sincère et soutenante. Si je me tiens éloignée de ce que je ressens, je ne permets pas à la vie de faire son travail et de me transformer pour devenir une accompagnante plus adéquate.
Lorsqu’on ferme les volets, on est protégé, mais on ne voit plus ce qu’il se passe à l’extérieur, on n’est éclairé que par sa petite lumière personnelle.
Pour se laisser traverser par la vie, il faut être comme un rideau, bien accroché , transparent, tout fin devant la fenêtre, qui permet à la lumière, à l’air d’entrer et de sortir, en ondulant souplement, librement, sans se déchirer.
Chaque mort amène son lot de questions, sa part de mystère.
Chaque mort nous ramène à notre propre finitude.
Et dans cette finitude d’une vie sur Terre, nous pouvons ressentir cette appartenance à l’humanité, comprendre ce lien invisible qui nous unit.
Côtoyer régulièrement la mort le cœur ouvert, c’est refuser l’habitude, c’est accepter la vie de manière inconditionnelle.
Nathalie Héritier
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